Pink Flamingos are agnostics
Philippe BEASSE Photography
A l'approche de Paris Photo, des grands rendez-vous et expositions qui entourent l'évènement annuel, on parle beaucoup de "photographie contemporaine". Le sujet me semblait suffisamment présent pour en faire une rapide évocation et y consacrer une petite newsletter.
Si il est une discipline qui a su évoluer, c’est bien la photographie. Sa pratique, longtemps assimilée et réduite à un simple témoignage visuel, s’est lentement convertie pour devenir imaginative et créative et enfin depuis quelques années, se muer en un véritable mode d’expression artistique se rapprochant même complètement des arts plastiques.
Les cotes astronomiques de certains photographes, vues à Paris Photo ou dans divers lieux d'expositions en témoignent grandement.
Cette évolution pouvait tout d’abord être due à une simplification des moyens techniques de la photographie traditionnelle et argentique au profit du numérique, simplification relative car depuis les années 80, les systèmes informatiques et les logiciels spécialisés n’ont cessé de s’améliorer pour devenir définitivement hyper pointus. Mais quand même, aussi complexes qu’ils soient, les moyens de la photographie numérique (même sur films argentiques) ont permis aux artistes photographes d’aborder des problématiques artistiques beaucoup plus pertinentes.
La photographie contemporaine bouleverse le regard et les perspectives, isole les sujets pour en faire des objets à part entière comme les photographies industrielles de Bern et Hilla Becher. Elle prend le parti d’exacerber les traits ou les caractères comme dans les portraits crus et brutaux de Cindy Sherman, joue avec les accumulations d'objets ou de foules tel Andreas Gursky ou les obsessions de Suzanne Lafont.
Puis de contemporaine, la discipline photographique, pour cataloguer toutes les images qui circulent sur tant de supports et à travers tant de médias, érige désormais une partie de sa production en « photographie d’art ». Et là, tout devient subjectif à souhait car finalement, pour être cohérent et pour dire qu’une photographie est de l’art, encore faut-il convenir que son auteur soit un artiste.
C’est à travers le regard de l’artiste, son interprétation, sa sensibilité, sa culture que va apparaître le morceau de réalité ainsi mis en valeur. Qu’il s’agisse de peinture, de dessin, de sculpture, de gravure, de musique ou de danse, il est évident que pour le « passant lambda » tout repose certes sur un sens artistique aigu mais surtout sur l’acquisition et la maîtrise absolue d’une technique parfaite. Elle est la base de toute œuvre et le spectateur admiratif aura toujours à l’esprit que l’apparente légèreté et puissance d’une œuvre est d’abord le fruit d’un apprentissage long et fastidieux effectué au prix d’intenses sacrifices. C’est en tout cas ce qu’il convient de penser.
On juge que pour la photographie tout est différent. Les appareils numériques sont à la portée de tous les budgets et il n’y a rien de plus simple que de prendre des photos de tout et de n’importe quoi. Alors parler de photographie d’art est peut-être un peu excessif de prime abord mais à l’usage, les amateurs du premier jour se rendent vite compte que leurs réalisations n’ont qualitativement et objectivement rien à voir avec les clichés proposés dans les expositions.
L’art et la photographie contemporaine en l’occurrence se placent dans le prolongement du besoin qui a poussé, depuis des millénaires, les êtres humains à s’investir autour de réalisations visuels qui n’avaient, apparemment, aucune autre utilité que le partage pur ou l’élévation de l’esprit.
Se réunir autour d’une œuvre, dans une grotte (comme on l'a fait de tout temps) ou dans un musée, se plonger dans le regard et les rêves d’un artiste, éprouver le sentiment confus de son imagination procéderaient, d’après des études menées par des spécialistes des neurosciences, aux mêmes stimulations cérébrales que celles produites par les émotions amoureuses. L’art ferait donc un bien fou...
Après, il vous appartient, spectateurs, amateurs, connaisseurs, collectionneurs, de vous forger votre culture photographique, d'apprécier tel ou tel travail, de vous laisser ou pas entrainer dans les rêveries d'artistes, d'être sensibles ou imperméables aux thèmes évoqués, aux points de vue, à la poésie, à la gravité ou à l'humour des oeuvres.
Développer nos connaissances, comparer nos ressentis parler des émotions avec nos semblables et surtout avec nos intimes permet une résonnance, une onde commune, une fréquence permettant de partager des rêves étrangers et des relations quasi charnelles.
Moralité, n'attendez plus, achetez des photographies d’art (les miennes ou celles des autres, ou les miennes..) vous vivrez plus heureux. Et c'est vraiment tout ce que je vous souhaite.
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